phd : Prendre des heures de Détente

La newsletter d'un thésard avec un peu trop de temps libre.

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Par Jules Edwards
13 sept. · 2 mn à lire
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Toutes ces choses que je ne fais pas

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Je suis en train de rédiger une newsletter sur ma semaine de vacances dans les Alpes Japonaises, ça me prend du temps, et en attendant j'ai plein d'autres idées qui me viennent, des notes vocales, des bouts d'idées sur une feuille... Ça n'empêche que je suis toujours au Japon, mais que le temps passe (déjà plus d'un mois et demi !!!). Par bien des égards, je me sens chanceux de vivre cette expérience, mais ces derniers temps, ce quotidien me pèse et je me sens un peu seul. Et c'est tout à fait dans le thème de cette newsletter que de parler aussi de ce qui me prends la tête, même (surtout) pendant mes heures de détente.

En partant au Japon, j'avais conscience que le pays avait une culture du travail réputée pour être "intense" (euphémisme). Le labo dans lequel je suis fait heureusement exception à cette règle, et j'évolue dans un contexte relativement "occidentalisé" en terme de rythme de travail (pas de manip après 18h notamment). Mais malgré cela, j'ai le sentiment que le quotidien au Japon reste malgré tout complètement construit autour de la journée de travail, qui termine tard et sans vraiment de temps libre après coup. Au début, on s'y fait bien: super pratique d'aller dans les konbinis en allant ou revenant du travail, pour faire deux trois courses ou compléter son repas du soir, en plus il y en a au moins 3 sur mon trajet ! Mais les aspects "moins positifs" apparaissent aussi : la fatigue de la journée laisse assez rapidement place à la tentation des plateaux repas tout prêts (super bons en plus !!!), et arrivé dans la coloc' sans espace de vie (ni de colocs très locaces), il est plus confortable d'aller dans sa chambre pour se prendre un moment à soi, mais tellement difficile d'en ressortir avec pour seule motivation "je vais pas rester là toute la soirée à regarder YouTube sur mon lit..." et finalement le faire.

Et c'est exactement ce genre de raisonnements qui entraînent quelque chose d'encre plus pernicieux : la culpabilité. "Comment ça ? Tu pars à 14000km de chez toi parce que tu avais envie de ça, pour aller bosser sur ta thèse et tu n'as pas encore fait ça, ça ou ça ? Comment ça tu te repose au lieu d'aller d'explorer des quartiers, la plupart sont complètement différents la nuit !!! Et ta to-do list de trucs à ramener en France, elle va pas se compléter toute seule !!!".

Toutes ces choses que je ne fais pas sont celles qui me pèsent le plus. 4 ans de cours de japonais pour avoir des bases très modestes en espérant pratiquer, mais avec qui (essayer de) parler ? S'acheter un appareil photo avant de partir, mais quand l'utiliser, avec quel temps et quelle énergie ? Avoir des expériences "authentiques", mais comment faire, surtout quand on se sent un peu seul ? Et je regarde les autres, au Japon ou en France, qui semblent comme des poissons dans l'eau dans ce qu'ils font (ou en tout cas ce qu'il montrent qu'ils font). Et qui souvent, ne sont pas seuls.

Mais toutes ces choses que je ne fais pas ne sont finalement que des arbres qui cache une forêt plus profonde, car à y penser j'ai déjà vécu plein de choses chouettes, la différence étant que je n'avais pas vraiment prévu de les faire spécifiquement. Elles se sont juste présentées à moi à un moment donné, et ce sont sûrement celles qui me marqueront le plus, comme les pantoufles au labo, le bruit des cigales japonaises en été, la pluie diluvienne qui apparaît et disparaît en 15 min, la tranquillité des métros, et surtout (SURTOUT) les plateaux repas de la cafétéria (chaque midi est un régal)

Mettre tout ça par écrit n'a pas pour but de m'apitoyer sur mon sort, ni un appel au secours (tout va bien je vous assure !). Mais poser des mots sur ces pensées me permet de mieux les appréhender, et d'éviter qu'elles ne tournent sans cesse dans ma tête. C'est évident que faire une thèse est très demandant en temps et en énergie, et il est normal de vouloir se reposer : on est en plein marathon, pas en sprint ! Et si un appareil photo permet de prendre ne serait-ce que quelques très belles photos pendant un week-end à la montagne, alors ça valait le coup ! Et si j'arrive à mieux parler japonais qu'au début de mon voyage, alors ça sera déjà un exploit en plus de l'avancement sur ma thèse ! Le plus dur, c'est finalement de se convaincre soi-même de tout ça, et pour ça j'ai encore des progrès à faire !

Ce week-end au Japon fait 3 jours (lundi férié youpiii), je vais en profiter pour bouger un peu, et notamment dimanche, où j'ai eu une idée pour des sujets de newsletter que je veux tester 👀

Sur ce, je vais me coucher ! Merci de votre lecture, et à bientôt !

Jules, pour phd